L’enseignement d’une embolie pulmonaire
Mon essoufflement s’accentue tant et si bien que, en ce mois de juin, je suis obligée de m’arrêter tous les deux pas. Ma famille s’inquiète, je décidé de voir mon médecin. Une analyse indique une anomalie dans le sang et un scanner de toute urgence.
Le lendemain je recevais quatre femmes chez moi, non pas en stage, mais en séjour libre de ressourcement, pas question de galoper à l’Hôpital maintenant ! Et, si je m’étais écoutée je n’y serais pas allé ! Mais j’ai pensé à l’inquiétude des miens…
Après le scanner on m’emmène vite aux urgences, c’est sérieux ! Je ne comprends pas, n’y crois pas. Les médecins expliquent : vous avez des caillots de sang dans les deux poumons. On vous injecte tout de suite des anticoagulants intraveineux ».
« Mais, je dois rentrer chez moi, je reçois du monde demain ».
« Comprenez Madame que c’est grave, vous risquez votre vie ! »
Ma pensée suivante était : bon, tu es entre de bonnes mains, essayes de dormir.
La décision difficile à prendre était celle-ci : prévenir les femmes, annuler leur venue ? Je décide: non, ne rien bouger, faire confiance. La nuit porte conseil.
Avant de m’endormir une autre pensée me traverse : et si je devais mourir, comment faire ? Je ne suis pas préparée pour le passage. Il faut que je travaille ça !
Le matin j’apprends que je peux sortir l’après midi. Je prends la décision d’avertir femmes : je suis aux urgences, ce n’est pas grave puisque j’ai le droit de rentrer chez moi seule, en voiture. Juste, je ne suis pas sure d’être là, tout à l’heure, pour vous accueillir. Arrivez et faites comme chez vous, je ne tarderai pas ».
Je sors avec la prescription d’une forte dose d’anticoagulants. « Le sang sera fluidifié à l’aide de ce médicament et va circuler. Portez des bas de contention, évitez la station debout et les longs trajets en voiture ». Ok ! Super !
Mamita, tant attaché à offrir une confortable hospitalité aux autres, arrive, et est accueillie, chez elle, par les femmes qu’elle n’a jamais vues !
Éviter la station debout, c’est déléguer tout. Tout, tout, tout ! Je le fais. Et nous avons passé, ces quatre femmes et moi, quatre journées tranquilles, quasiment normalement au niveau du lien, des partages, des échanges, de la transmission. La différence c’était que, physiquement, je n’ai rien fait ! J’ai donné des consignes, j’ai délégué, les ai guidées tranquillement et j’ai dû accepter au fin fond de moi-même de ne pas bouger, pas frétiller, pas être mal à l’aise en les regardant faire. Par moment, ce n’était vraiment pas facile pour moi!
Le dernier jour, au moment du rituel de fin, quand j’ai posé mes mains à terre pour déposer mon vécu, un éclair traverse dans ma conscience et je m’écrie : Aujourd’hui je sors de l’esclavage du travail ! »
Wah ! C’était puissant, fort, authentique : je me suis libérée de l’esclavage du travail ! Gratitude !
Quelques jours plus tard, alors que je déplaçais un objet un peu lourd, je me surprends d’avoir besoin que la jeune femme restée en échange de woofing, me voit ! Qu’elle voit que moi aussi, je travaille ! Et je me suis dis : regarde Ljiljana, tu culpabilises encore de ne rien faire …ce n’est pas encore fini, et, c’est bon, tu es sur le bon chemin !
Il me fallait du courage pour prendre la décision de faire venir les femmes dans cette situation. Comment ont-elles vécu cette expérience ?
Je suis ravie de leurs témoignages qui disent combien c’était nourrissant pour elles d’expérimenter cette situation de s’occuper d’une femme qui accepte sa fragilité et les soins qui lui sont offerts. Cette situation était pleine d’enseignements pour elles aussi !
Les semaines suivantes, j’ai dû faire face à l’inquiétude autour de moi, ma famille, mes amis. Il y avait tentation de coller à cet état de vulnérabilité, comment dire… il y avait une tendance à faire de moi une grande malade.
Ma décision était ferme : des anticoagulants pour la vie, non ! Oui, j’ai frôlé la mort ! Oui, un état de fragilité reste. J’accepte de vivre avec le risque. Ma vie continue, mais juste d’une manière différente. C’est tout ! C’est possible parce que j’ai appris la leçon : mon corps ne peut plus faire ce qu’il a fait jusqu’ici. Il a besoin à être entendu. Je suis d’accord et prête à accepter et respecter ses limites.
La première médecine, dorénavant, est le mouvement. Donc, marcher, marcher, marcher ! Je ne me suis jamais assez autorisée à prendre du temps pour ce plaisir, parce que le plaisir était collé au loisir et au « il faut d’abord travailler » ! Maintenant, c’est évident, je me fais plaisir tout en étant aimable avec mon corps, je réorganise et pense mon travail autrement !
Plus tard j’ai également prise conscience que cette libération du joug du travail, de l’esclavage, est une mémoire qui dépasse ma vie personnelle. Elle vient de loin, du trans générationnel, peut être même de l’inconscient collectif. Est-ce une coïncidence que cet événement s’est produit à la sortie du confinement, en période de grande crise sociétale et sanitaire, période qui, à mon sens, appelle aux grands nettoyages et transformations pour que le APRÈS ne soit plus jamais comme AVANT.
Tout va bien. Gratitude. Merci la Vie !
Ljiljana Milosavljevic, février 2021
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